Anderssen,A - Kieseritzky,L, Londres, 1851 : l'Immortelle "Lorsqu'un débutant joue 1.e4 e5 2.f4, tout en étant conscient des conséquences
que ce coup peut avoir, cela signifie qu'il commence à comprendre le jeu d'échecs." Blackburne
Qu'est devenu le Gambit du Roi ?
Au début des années 1870, la maître autrichien Wilhem Steinitz soumit les parties de
ses contemporains à une analyse critique impitoyable et fit une découverte incroyable :
dans la plupart des cas, les brillantes attaques tactiques auraient dû se solder par des défaites.
Tout ce travail de recherche aboutit à la "théorie Steinitz"
qui devait changer considérablement la philosophie des Echecs.
Les combinaisons fougeuses cédèrent la place à l'accumulation logique de petits avantages positionnels
donnant naissance au Gambit Dame et aux parties semi-ouvertes.
Parmi les parties ouvertes, l'Espagnole se révéla être une arme terriblement dangereuse.
Dans ces conditions, jouer le Gambit du Roi n'avait plus aucun sens,
bien qu'à cette époque, personne n'ait encore réussi à réfuter cette arme à double tranchant.
Vers 1875, le Gambit du Roi perdit peu à peu de sa popularité.
Seul Tchigorin lui resta fidèle jusqu'à la fin de sa vie en 1908 .
Après sa mort, il y eut des tournois thématiques sur le Gambit du Roi, en particulier à Abbazia (1912) et Baden-Baden (1914).
Ils furent remportés par un talentueux maître de l'attaque, Rudolf Spielmann.
Après quelques victoires écrasantes de Tarrasch et Bogolioubob dans les années 20,
Spielmann publia son célèbre article intitulé " Le Gambit du Roi sur son lit d'hôpital " dans lequel il écrivit : " Dieu sait combien je me suis battu et combien j'ai souffert pour
ce Gambit du Roi, et ce, durant tout ma vie de joueur d'Echecs.
Je ne peux que déplorer la disparition de l'époque de Morphy et d'Anderssen. "
A ce moment là, on aurait pu croire que la carrière du Gambit du Roi était bel et bien finie.
Pourtant, cette ouverture romantique revint peu à peu sur scène.
Vers 1930, le jeune Paul Kéres se mit à jouer le Gambit du Roi et fut bientôt imité,
en 1945, par un joueur plein de ressources, David Bronstein.
Au début des années 60, l'étoile de Boris Spassky apparut à l'horizon des gambits.
D'autres joueurs contribuèrent à sa survie : le brillant Mikhail Tal, l'énigmatique Robert Fischer
et après eux, tout un groupe de maîtres et grands maîtres, Short, Morozevitch, Fedorov,
Bangiev, Gallagher, Hebden, etc. ont aussi eu foi en cette arme !
Qui peut jouer le Gambit du Roi de nos jours ?
Le gambit du Roi est une excellente école.
Car le joueur débutant doit, avant toutes autres choses, affûter ses armes tactiques,
apprendre à calculer, exciter son imagination. Le gambit du Roi,
mieux que tout autre ouverture, permet cet apprentissage.
Vous verrez, dès que vous aurez avancé le pion "f", un sentiment bizarre s'installera en vous.
Un mélange d'angoisse et de fierté d'avoir osé! Car après 2.f4!, rien ne peut plus être comme avant.
Il n'est plus question de faire machine arrière: il faut y aller !
Il est inutile d'avoir ingurgité l'encyclopédie pour jouer cette ouverture !
On m'a souvent posé la question de savoir si le Gambit du Roi était encore jouable de nos jours.
Non seulement il est jouable, mais au niveau Club, il est souvent très efficace.
L'aspect psychologique y joue alors un rôle prépondérant.
Voici l'analyse moderne voire définitive, d'une fameuse partie jouée
entre Anderssen,A et Kieseritzky,L à Londres, en 1851, partie dite "Immortelle".
J'ai regroupé ici les analyses de nombreux joueurs tels que : Estrin, Glazkov, Huebner, Reti, Euwe, Tchigorin, Falkbeer, von Gottschall, Steinitz et Polhroniade.
1.e4 e5 2.f4 exf4 3.Fc4
Pendant plusieurs siècles, la variante du Fou du Gambit du Roi a été à l'honneur.
Les premières analyses furent données par Ruy Lopez, qui analysa 3 réponses : 3...Dh4+ ; 3...f5 et 3...Cf6!.
Pendant très longtemps, personne ne fut capable de decouvrir les
défauts fondamentaux de la position des Blancs.
Ce n'est qu'au début du siècle dernier que le théoricien russe Jeanisch
mit au point un plan de défense correct (...c7-c6 avec idée d7-d5).
3...Dh4+ Un coup naturel,
même si l'expérience a prouvé qu'il n'était pas le plus fort.
Cependant, vous remarquerez que si vous retirez la bibliothèque
d'ouvertures de vos logiciels d'analyses, ils joueront tous 3...Dh4+, malgré tout.
De nos jours, la théorie donne comme le meilleur : 3...Cf6! 4.Cc3! c6! 5.Fb3! d5 6.exd5 cxd5 7.d4 Fd6 8.Cge2!
(8.Cf3!? Fe6 9.0-0 0-0 10.Ce5 Cc6 11.Fxf4N Tc8 12.Rh1 a6 13.Cxc6 bxc6 14.Fg5 Fe7
15.Dd3 a5 16.Tae1 avec initiative, Short - Karpov 2000 nulle en 47 coups ; ou encore,
8.Df3!? Fg4 9.Df2 0-0 10.Cge2 Te8 11.0-0 peu clair) 8...f3 (8...0-0 9.0-0 (9.Fxf4 Fxf4 10.Cxf4 Te8+ pas clair) 9...g5 10.Cxd5 et les Blancs sont un peu mieux. 9.gxf3 Fe6 a) 9...Ch5 10.0-0 0-0 11.Tf2 Fe6 12.Rh1 Dh4 13.Dg1=; b) 9...0-0 10.Fg5 Fe6 (10...h6 11.Fh4 Fe7 12.Dd3 Cc6 13.0-0-0 Hodgson, J - Barle,
J Londres 1993 1-0 en 35 coups) 11.Dd2 Fe7 12.0-0-0 Cbd7 13.Thg1 Rh8 14.Cf4 Melgosa, M - Zuluaga, J Bogota 1991 1-0 en 21 coups. c) 9...Fh3 10.Cf4 Ff5 11.De2+ Rd7 12.Db5+ Rc8 13.Ccxd5 Cxd5 14.Fxd5 De8+ 15.Dxe8+ Txe8+
16.Rf2 Narings, N - Van Beers, E Champ Holl 1995 1-0 en 42 coups. 10.Fg5 h6 11.Fh4 g5 12.Fg3 Cc6 13.Dd2! Ce7 (13...Fb4!? 14.a3 (14.0-0-0 Ca5 avec du contre-jeu ;
14.h4 g4 avec du contre-jeu) 14...Fe7 15.0-0-0 Tc8 avec un jeu peu clair. 14.0-0-0 Cg6 et les Blancs sont un peu mieux. 15.Fa4+!?
4.Rf1 Les Blancs ne peuvent plus roquer,
mais la Dame noire est mal placée. Dans leur excellent livre sur le Gambit du Roi,
Estrin et Glazkov, demandent : A qui cette position donne-t-elle l'avantage ?
Et ils affirment : La pratique montre que la balance peut pencher du côte
des Blancs, alors que les Noirs ne peuvent qu'espérer l'égalité.
4...b5?! Au milieu du siècle dernier,
le Polonais Lionel Kieseritzy obtint une série de victoires spectaculaires
en jouant ce contre gambit fort intéressant. Toutefois, cette suite a des
désavantages qui sont mal décrits dans les livres modernes d'ouvertures.
Les Blancs terminent par un mat "modèle", c'est-à-dire que toutes les pièces blanches
participent au mat, mais que chaque pièce blanche ne contrôle qu'une seule case du
réseau de mat. Falkbeer, qui publia une analyse détaillée de cette partie en 1855
dans la magazine "Wiener Schachzeitung", décida de l'appeler "l'Immortelle".